Nouvel An Chinois : de jeunes vies consacrées aux mèches courtes

In by Simone

Dans les semaines qui précèdent et succèdent le chunjie, ou la fête du printemps, des milliards de feux d’artifices et de pétards détonnent à travers la Chine. Selon la légende, le bruit devait effrayer les démons. La tradition persiste aux côtés de la société de consommation, forçant des milliers d’enfants à s’adonner chaque année à un type d’atelier bien différent : l’assemblage de pétards. 

Les vacances scolaires d’hiver ont commencé il y a quelques semaines pour les écoliers chinois. Pourtant, les rues d’un petit village du sud du Guangdong sont désespérément vides d’enfants. Et pour une bonne raison : ils enfilent des mèches dans des pétards. ‘Dans mon village et ceux des environs, plus de 80 pour cent des garçons et des filles de plus de 12 ans travaillent dans les usines de feux d’artifice lorsqu’il n’y a pas école’, expliqué Bingyan au South China Morning Post

A 12 ans, le garçon a déjà neuf ans d’expérience derrière lui. ‘Comme mes camarades, j’ai commencé ce travail à l’âge de trois ans. A cette époque, je pouvais remplir un paquet de 800 pétards en 20 minutes et j’étais payé 45 fens (environ 4.5 centimes d’euros). Maintenant j’en fais autant en cinq minutes’, explique t-il. Adultes et enfants travaillent jusqu’à 12 heures par jour dans les usines illégales de la région et sont payés environ 3 euros pour chaque lot de 50 000 pétards. 

Mais le travail requiert une attention constante et des mouvements extrêmement rapides, parfois trop pour les plus jeunes. Bien qu’étant le plus productif du village, Bingyan parvient à assembler 80 000 pétards par jour pour environ 40 yuans, il reconnaît que c’est un travail épuisant : ‘je suis constamment fatigué, lorsque je rentre à la maison, je dévore mon diner avant de tomber sur mon lit à 8 heures’. 

La Chine compte environ 7 500 usines de feux d’artifices officielles, responsables pour 90 pour cent de la production mondiale. Mais les ateliers de fabrication illégaux seraient deux fois plus nombreux dans le pays, malgré les tentatives du gouvernement de mettre fin à la pratique qui constitue l’une des deux étapes les plus dangereuses dans la confection de feux d’artifice, explique un employé : ‘une simple étincelle peut provoquer une explosion’. 

En Juillet 2000, les autorités de la province du Guangdong ont banni la production de feux d’artifices dans la région. Un ordre qui n’a pu être appliqué qu’en mars 2001, lorsque 41 élèves et leurs professeurs ont été tués dans une explosion dans le Jiangxi. Les élèves étaient forcés de faire des feux d’artifices pour payer leurs frais scolaires. 

Selon le Guangzhou Daily, 13 enfants âgés de 7 à 15 ans sont décédés dans une explosion massive le 12 novembre dernier. Ils sont comme cela, des centaines à perdre la vie chaque année. 

Mais les gros profits continuent d’attirer les patrons à ouvrir des ateliers clandestins. Pour un investissement de moins de 300 000 yuans, la plupart empochent jusqu’à 200 000 yuans en un an. Les pétards sont fabriqués à moindre coût par des enfants et adultes qui travaillent jour et nuit, avant d’être revendus aux usines officielles. 

Pourtant conscients des risques, les familles ne veulent cependant pas voir les usines disparaître de leur région. Pour beaucoup, elles représentent un revenu quotidien, qui leur permettra, peut être, d’envoyer leur enfant à l’université et de s’assurer ainsi, un futur plus serein.