Le Bonheur : Nouveau mantra du Parti Communiste Chinois

In by Simone

Les Chinois idolâtraient autrefois Mao Zedong, leur ‘grand sauveur’, qui consacrait sa vie à leur bonheur et leur bien-être. Quarante ans plus tard, le Parti Communiste se projette une nouvelle fois comme le pourvoyeur du xingfu, le terme chinois du bonheur.

L’administration du Président Hu Jintao nous avait jusque là habitué aux concepts de ‘société harmonieuse’ et ‘développement scientifique’. Depuis un an, c’est ‘xingfu’ qui prend le relais et qui devrait être le maitre mot du Congrès National du Peuple qui se rassemble ce weekend à Pékin.

Dimanche dernier, le premier Wen Jiabao indiquait au cours d’une session de chat sur le portail gouvernemental et sur Xinhua, sa vision pour le bonheur du peuple : « donner au peuple une vie confortable et sûre, empreinte de paix. Donner au peuple confiance en l’avenir. » Selon le premier, le xingfu du peuple sera la priorité du 12ème plan de cinq ans du gouvernement. « Le développement économique, a t-il indiqué, doit permettre avant tout d’améliorer les conditions et les standards de vie du peuple ».

Développement économique et conditions de vie versus libertés et égalités. Comment le Parti Communiste chinois ‘calcule’ t-il l’index du xingfu ? Définir et apporter le bonheur au peuple est caractéristique des régimes dictatoriaux, les démocraties limitant généralement leur ambition à la création des conditions du bonheur individuel.

En 2007, le Parti de la ‘petite’ ville de Jianying, à 150 kilomètres de Shanghai, créait un index du bonheur fondé sur cinq principaux critères : un travail pour tous, des revenus suffisants, un environnement sain, une ‘bonne humeur quotidienne’ et un accès universel à la santé et à l’éducation. Un index du bonheur qui a été suivi de mesures remarquables : créations de maisons de retraites, extension de la couverture sociale aux 600 000 travailleurs migrants et scolarisation gratuite, création d’espaces verts, etc…

Des mesures possibles dans cette région prospère du Yangtzé mais sans doute trop onéreuse à mettre en place ailleurs. Un article du Quotidien du Peuple, le porte-voix du Parti, indiquait que l’amélioration du niveau de xingfu du peuple, ou en tout cas sa perception du bonheur, devait passer par ‘le gonflement de son porte-monnaie, une meilleure sécurité sociale, des services publiques mieux organisés et un travail et un logement pour tous’.

Selon le journal, deux chefs de Parti ambitieux et jouant des coudes pour ‘gagner’ un poste au sein du Politbureau, le corps décisionnaire le plus important du gouvernement, auraient fait de l’augmentation du bonheur leur principale cible.

Dans le Guangdong, Wang Yang a promis au peuple un ‘xingfu Guangdong’ en « protégeant et améliorant leur niveau de vie’ par le biais de réformes imprécises. De son côté, Bo Xilai, chef de parti de la municipalité de Chongqing, a fait le serment de faire de la ville la plus heureuse de Chine en doublant les revenus ruraux et en augmentant les salaires urbains de 75 pour cent, a rapporté le Quotidien du Peuple.

Mais cette interprétation financière grossière du bonheur ne fait aucune mention des autres facteurs, tel que la dignité individuelle, les droits et la liberté. Car si les slogans font la promotion d’un xingfu économique, il manque aussi de faire référence aux questions de justice, d’égalité et de dignité mentionnés par Wen en termes de valeurs universelles, démocratie, état de droit, liberté et droits de l’hommes. Des valeurs que les ‘conservateurs’ au sein du gouvernement qualifie de ‘valeurs occidentales inadaptées à la Chine’.

Et c’est là que le bas blesse. A en croire le nombre croissant de mécontentements en Chine, pour le peuple chinois, le bonheur passe aussi par ces valeurs. Au cours de la session de chat, Wen s’est vu demandé à plusieurs reprises : « si les citoyens n’ont ni dignité, ni liberté, comment peuvent-ils être heureux ? »

Pour Jean-Pierre Cabestan, directeur du département de science politique à l’Université Baptiste de Hong Kong, la course à la reconnaissance du peuple envers le gouvernement pour avoir améliorer sa vie trouve ses racines dans l’idée traditionnelle du dirigeant bienveillant octroyant bonté et gentillesse à ses sujets. « L’idée d’égalité et de démocratie n’est pas là ».

En promettant le xingfu, le Parti tente surtout de montrer au peuple qu’il a prit note et prendra soin de répondre à ses problèmes. Il prend note mais ne suggère pas de réponses aux questions qui les préoccupent : le hukou, le système d’enregistrement des famille qui à conduit à une très forte inégalité entre les zones rurales et urbaines, les ‘prisons noires’ dans lesquelles sont détenues, sans jugement, les pétitionnaires, la liberté d’expression, la corruption.

Les problèmes s’intensifient mais le mot maitre reste : la stabilité. Depuis plusieurs décennies, le gouvernement chinois assure à son peuple que l’accès au bonheur se fait par l’enrichissement personnel. Aujourd’hui, les Chinois veulent plus. Un différent qui pourrait potentiellement porter atteinte à l’existence même du Parti.