Cette mobilisation a été déclenchée par un communiqué que Google a publié mardi sur son blog officiel, intitulé "Une nouvelle approche de la Chine". L’entreprise américaine explique que les comptes Gmail de militants des droits de l’Homme chinois et étrangers ont été piratés et que la société envisage aujourd’hui de quitter la Chine. Google prend également position fermement contre la censure de son moteur de recherche par Pékin.
Le ministère de l’Industrie et des Technologies de l’Information chinois reste droit dans ses bottes. Il a publiquement réitéré sa position, à savoir que les sociétés d’informations étrangères doivent se soumettre aux "lois du pays". Une annonce qui pourrait pousser le géant américain hors de Chine, un marché de 338 millions d’internautes.
La blogosphère chinoise s’est invitée dans la querelle. Comme les Pékinois qui se sont relayés sur les marches des bureaux de la société américaine à Pékin, les internautes s’inquiètent du départ éventuel du géant de l’Internet : "iGoogle est ma page d’accueil, Google Reader est mon journal, Google Documents est mon éditeur de documents et Google Voice est mon principal outil de communication… Sans Google, comment vais-je survivre ?", s’interroge Souris Brisée ; tout comme Root, qui s’insurge : "Baidu est une marionnette, Google se lève et brille."
"A notre époque, fermer Internet revient à fermer le pays"
Charlie Li (pseudo) est journaliste dans un magazine.
‘Je ne pense pas que le gouvernement va plier. On dirait que la Chine est aussi fermée qu’à l’époque des Qing : car aujourd’hui, fermer Internet revient à fermer le pays.
Il est difficile de dire si la décision de Google de quitter la Chine est bonne ou pas. Sur le court terme, c’est une perte pour les internautes chinois. Google a des principes [le moteur américain censure moins] que Baidu [son équivalent chinois] n’a pas. Je suis d’accord avec ceux qui pensent que c’est une manière de laisser tomber le combat pour plus de libertés. Mais si Google quitte ou est forcé de quitter la Chine, je pense sincèrement que ça aura des conséquences très importantes.
Je suis un utilisateur de Google, et comme avec un bon ami, je soutiendrai son choix, qu’il soit bon ou non pour moi. Je pense que les gens qui vont déposer des fleurs au pied de l’immeuble de Google à Pékin sont tristes, pas seulement parce que la société pourrait quitter la Chine, mais surtout à cause de la situation dans laquelle se trouve le pays. Et si effectivement Google part, j’irai mettre des fleurs moi aussi.’
"Soit tu es d’accord pour faire des compromis, soit tu pars"
Li Yuanchun est vendeur d’ordinateurs.
‘Franchement, ça ne m’intéresse pas vraiment, parce que c’est surtout une histoire de gros sous et de fierté. Bien sûr, comme la plupart des Chinois, je sais que nous n’avons pas accès à toute l’information, mais il parait aussi que Google a du mal à survivre sur le marché chinois. Ils ont peut être trouvé là le moyen de partir sans perdre la face.
D’un autre côté, le gouvernement sait que la Chine est le plus gros marché du monde, alors une fois de plus, les autorités ont l’avantage et elles continueront à exiger que les sociétés étrangères et locales respectent la loi. Ces choses-là ne changent pas en Chine, soit tu es d’accord pour faire des compromis, soit tu pars, la preuve avec Google.
Je suis moi-même un utilisateur de Baidu, sûrement parce que c’est sur ce site que j’ai commencé à me connecter à Internet. Beaucoup de mes amis préfèrent Google. Mais je pense que si Google décide de quitter la Chine, à part quelques internautes déçus, il n’y aura pas de vrai changement pour les libertés dans notre pays. Ce sera la même chose, le gouvernement fait déjà ce qu’il veut avec l’information et les boites emails, tout le monde le sait, mais personne ne dit rien, alors je ne vois vraiment pas pourquoi Google pense qu’il peut changer les choses.
J’ai vu que des gens allaient déposer des fleurs au pied de l’immeuble des bureaux de Google, je dois dire que ça me fait un peu rire, on dirait qu’ils pleurent une célébrité, mais tout cela c’est seulement parce qu’ils vont devoir changer leurs habitudes.’
Devant le QG de Google à Pékin
Source : le très bon site d’information Wang Junyu
Publié sur Les Observateurs de France 24 le 14/01/2010